Mocimboa da Praia - Pemba: de l'enfer au paradis en 3 jours !

        Nous quittons cette charmante bourgade de Mocimboa da Praia au petit matin. Notre programme pour les prochains jours est assez simple et s’annonce fort agréable. Notre objectif est de rejoindre, en deux jours, la ville de Quissanga point de départ de bateaux rejoignant l’archipel paradisiaque de Quirimbas pour un repos bien mérité. Au petit matin nous nous préparons pour une étape de 90 km de piste, une grosse journée en perspective mais rien d’insurmontable pour nos petites gambettes de super pédaleurs. La suite nous prouvera le contraire…  Nous l’ignorons encore quand nos petits yeux  naïfs s’ouvrent sur l’aube mozambicaine mais nous nous apprêtons à vivre une journée cauchemardesque que nous qualifierons après coup de « pire journée de merde de tous les temps ».  De 6h du matin à 4h la nuit suivante nous connaissons un tel enchainement de poisses que nous pouvons faire passer le mec du film la chèvre pour un rigolo de service. 22h d’efforts continus pour parcourir 60 malheureux kilomètres (soit une vitesse de 3km/h pour les matheux). Impossible me dites vous ? Nous l’avons testé pour vous. Mais bon en même temps fallait bien qu’on arrête de vous raconter que des histoires de plages sinon on n’aurait pas été crédibles en revenant ! Allez maintenant que vous en avez l’eau à la bouche on vous raconte. 

On dort dans des ecoles pour taffer notre portugais

Il est 7h du matin lorsque nous lançons notre premier coup de pédale. De prime abord rien d’anormal, la piste est un peu moisie comme d’hab. Après 5 premiers kilomètres parcourus bon train nous faisons face à la première difficulté de la journée. La piste se transforme petit à petit en une espèce de grosse plage, la mer en moins. Et franchement une plage sans mer mais avec des vélos c’est moyen fun. Nous nous embourbons sévère. Tous les cent mètres nous dérapons dangereusement avant de nous échouer lamentablement sur de grosses mottes de sables qui nous obligent à descendre pour pousser nos molosses. Le nombre de tronçons « roulables » se réduit de kilomètres en kilomètres au point qu’après une vingtaine de bornes parcourus en 2h nous constatons la terrible réalité « ouais bah la on avance plus du tout ». Il nous faut pousser sur les 20 derniers kilomètres qui nous séparent du village dans lequel nous pensons déjeuner. A partir de 10h au Mozambique, il fait chaud. Nous suons donc à grosse gouttes les pieds dans le sable, les mains cramponnées au guidon en trainant nos gros vélos. Signe que la journée s’annonce mal Vincent sort pour la première fois sa casqu-bob fusion audacieuse d’une casquette et d’un bob. Y’a des jours comme ça où tout fout le camp. Nous avançons comme des escargots maudissant tout à la fois : le Mozambique, le sable, nos vélos mais surtout l’éditeur de notre carte routière qui a eu le culot d’appeler cette route une « route importante de connexion ». Nous ne voyons en effet pas très bien ce que cet endroit a à voir avec une route ni en quoi elle pourrait bien être importante. Notre moral s’approche tranquillement du zéro absolu et seule la perspective de la pause déjeuner nous évite d’appeler nos mamans pour demander un rapatriement express. A 13h nous atteignons le village de Marere. En 6h nous avons parcourus 42km. Alex trouve malin de souligner que « même les moins bons courent le marathon plus vite que ça ». A Marere c’est pas la fête non plus. Le bled est minuscule, pas d’eau à vendre, pas de nourriture… Une mama accepte finalement de nous préparer un plat de riz blanc sur lequel nous nous jetons voracement. C’est pas fou, ça a le goût de terre  mais ça cale. La pause est de courte durée, nous devons repartir vite pour atteindre le village de Quiterajo pour la nuit situé à une vingtaine de kilométres de là. Au moment de monter sur nos vélos les villageois nous l’assurent, la route s’améliore juste après la traversée du fleuve Messalo à 5km de Marere.
« Nous : Ah oui le fleuve, il est où le pont d’ailleurs ?
Eux : Quel pont ?
Nous : Bah celui pour traverser le fleuve pardi
Eux : Ha ha mais y’en a pas ! (sourire attendri face à notre naïveté)
Nous : Ah… et du coup on fait comment ?
Eux : A marée basse il est un peu moins gros, faut porter les vélos. Mais attention aux crocos !
Nous : Ha ha, allez les gars arretez de déconner… (rire jaune) »
Nous partons donc vers le fleuve rapidos car nous comprenons que ça ne va pas être une partie de rigolade cette histoire. Les 7 km jusqu’à la berge du fleuve nous font traverser un décor totalement sauvage. Nous évoluons au milieu de la brousse, partout des plantes viennent nous caresser les jambes. On entend des bruits un peu louches à droite à gauche. Arrivés sur les rives du fleuve, on commence à flipper. Face à nous un beau bébé de 100m de large nous barre la route. Impossible à traverser, encore moins avec des vélos. De très loin nous apercevons un mozambicain, nous crions comme des ânes pour le faire venir. « Vas-y enlève ton t-shirt il va voir qu’on est blanc, il viendra ! ». Effectivement cela fonctionne. Nous découvrons que notre nouveau pote à une barque riquiqui et que moyennant une modique somme il peut faire traverser tout le monde vélos compris. Ce qu’il y a de pratique en Afrique c’est que tout est toujours possible. Notre passeur a la soixantaine bien tassée et il manœuvre un minuscule trimaran de bois à l’aide d’une grande tige de bambou qui lui permet de défier le courant. Nous voyons, l’œil inquiet,  partir nos vélos un à un sur cette embarcation branlante. Puis vient le tour des hommes. Côme s’élance le premier, après quelques métres le bateau tangue et se renverse. Bonne tranche de rigolade pour Alex et Vincent

Titanic in Africa

. Une fois sur l’autre rive nous soufflons, le plus dur est fait le fleuve est derrière nous. Plus que 10 bornes, la nuit tombe dans 1h30 mais ça devrait le faire. Naïfs que nous sommes ! Après 2 km la route plonge à nouveau dans un fleuve de la même envergure. Nous enrageons « putain mais il est même pas indiqué sur la carte celui-là ». Nous pédalons dans un dédale de pistes pour trouver un moyen de l’aborder… en vain. Nous commençons à être carrément paumés sur ces chemins qui se ressemblent tous. Et c’est à ce moment que la nuit décide de pointer le bout de son nez. Nous n’avons rien à manger, pas grand-chose à boire et surtout nous ne savons pas où et quand la marée sera la plus favorable pour attaquer la traversée du fleuve. C’est fou le phénomène de marée tout de même ! Pour couronner le tout Vincent nous concocte une crevaison surprise dont lui seul a le secret.  Il faut bien dire qu’à ce moment on ne fait plus trop les marioles. Nous rebroussons chemin après une réparation au clair de lune pour trouver un lieu où dormir. Après quelques errements nous apercevons la lueur d’un feu. Une cabane seule au milieu de rien. Une famille habite là dans la plus grande simplicité. Nous commençons à être bien fatigués et nous essayons de faire comprendre nos soucis dans un portugais approximatif. Nous apprenons que le fleuve ne se traverse qu’à marée super basse. C’est-à-dire la nuit lorsque la lune atteint un certain niveau dans sa course. Nous essayons de savoir une heure précise pour la traversée mais nous comprenons vite qu’ici la notion occidentale d’heure ne compte pas. Retour au basique, la lune et le soleil rythme la vie pour cette famille. Le père de famille accepte de nous accompagner pour la traversée du fleuve. En attendant il faut « esperar un poco ». Ici attendre un peu dure généralement entre 5min et plusieurs heures. Nous voilà donc tous les trois allongés sur une paillasse au milieu de rien à guetter fébrilement la montée de la lune dans le ciel. La mama nous apporte gentiment un peu de riz et de manioc. On doit avoir l’air bien perdu car c’est la première fois que l’on nous propose de la nourriture spontanément. Aux alentours de Lune-au-zénith moins le quart le chef nous secoue. Il faut y aller.

Il est 23h le moral est pas folichon

 Nous parcourons quelques kilomètres et retrouvons le chemin qui mène au fleuve. Effectivement ce dernier s’est retiré en partie et laisse entrevoir un marécage boueux peuplé de moustiques. Nous commençons la traversée du fleuve chargés de bagages. A mi-chemin Alex glisse à Vincent : « tu vois quand je t’ai rencontré à l’ESCP je ne pensais pas me retrouver avec toi en pleine nuit en caleçon au milieu d’un fleuve du Mozambique accompagné par deux mecs avec des machettes ». Comme quoi la vie est pleine de surprise. La surprise c’est aussi la difficulté du chemin que nous devons parcourir. Il faut porter, pousser, tirer notre équipement dans la boue dans un immense marais. 2h nous seront finalement nécessaire pour venir à bout de l’obstacle. Une évidence : tous seuls nous n’y serions jamais arrivés. Il est 1h du matin lorsque nos guides nous quittent en nous indiquant approximativement la route à suivre jusqu’a Quitarajo .

Traversée de marecage number oner


 Il reste 8 bornes et franchement on en a plein les sandales de cette journée. Le chemin vers la ville nous replonge petit à petit dans un nouveau marécage dégueulasse puis disparait complétement. Nous avançons péniblement car nos vélos se remplissent d’une épaisse couche de boue qui bloque nos roues (évidemment des garde-boues c’est fait pour retenir la boue finalement….). Nous pataugeons et glissons sur le sol mais nos vélos font du surplace. 

La on croit qu'on est sauvé mais en fait non


Au bout d’un moment nous réalisons que nous sommes bel et bien perdus. A y regarder de plus près la situation n’est pas fameuse. Nous sommes perdus au milieu d’un marécage au Mozambique et nous savons que nous ne pouvons pas trouver un endroit où dormir car la marée finira bien par remonter. Il nous faut donc absolument retrouver le chemin pour le village. A 2h30 du matin Vincent annonce d’un ton lugubre « les gars, le gps est tombé quelque part dans la boue ». Commence alors une longue et déprimante séance de recherche à la frontale. Nous errons donc, couverts de boue, à la recherche de l’engin qui nous permettait au moins de maintenir un cap à défaut de trouver sur le vrai chemin. A ce moment-là, il faut bien avouer que nous n’en menons pas large. C’est un de ces moments où l’on se dit que la situation commence à être un peu préoccupante voire flippante, voire critique. Après une longue recherche Alex crie victoire (façon de parler en vrai il a pas dit ça). Il est là l’animal. Nous pouvons donc recommencer à être perdus en toute sérénité. Le stress monte à mesure que nous avançons. Les paroles se font plus rares mais de manière plutôt rassurante nous sommes tous les trois calmes. Dans le fond nous sommes bien contents de ne pas être tous seuls dans cette galère.
Il est 3h passée lorsque Come débusque un semblant de chemin nous permettant de sortir du marécage. Nous émergeons finalement sur un chemin sablonneux qui semble mener droit à la ville. Quel bonheur de pousser son vélo dans des mottes de sables plutôt que dans la boue ! Il est quatre heures du matin lorsque nous arrivons hébétés au village de Quitarajo. Nous essayons de  redérouler le fil de la journée pour voir où ça a merdé et nous concluons que ça n’a jamais été bien rose. Avouons-le, nous n’avons jamais été aussi heureux de retrouver notre chemin. Nous nous écroulons sous un préau avant de voir débouler le maire de la ville accompagné de deux potes accompagnés de deux gros fusils qui vient faire une petite visite aux trois tas de boues qui viennent de débarquer chez lui. Après ce petit contrôle de passeport ils nous lâchent la grappe et nous nous endormons d’un sommeil lourd peuplé de marécages cauchemardesques sans issue.

        Nous nous réveillons avec le soleil 3h plus tard et le décor autour est bien celui d’une armée en débâcle. Nous nous rappelons péniblement la bérézina de la veille. Nous sommes sales comme des poux, nos vélos sont noyés sous la boue et nos fringues puent le marécage. Le manque de sommeil et la fatigue accumulée la veille nous rappellent nos lendemains de fiesta en France et en ce dimanche matin nous ne pouvons qu’avoir une pensée émue pour nos amis qui se réveillent peut être eux aussi avec un mal de crâne. Nous décidons de prendre une journée de repos (de toute façon on aurait été incapable de grimper sur nos vélos) et nous nous laissons prendre en main par les habitants de Quitarajo qui nous bichonnent et nous aident à remettre nos vélos en état. 

En Afrique une intimité de tous les instants


Nous prévoyons d’attraper le bus local de 4h du matin le lendemain pour nous éloigner au plus vite des pistes du coin qui nous filent des boutons. En attendant nous passons la journée à ne rien faire et à panser nos plaies de la veille. Nous enchainons les siestes que nous entrecoupons de bonnes bouteilles de Oasis Cola, le coca cola mozambicain, saveur de l’année 2013 de notre voyage. Notre seule activité de la journée est de descendre au village négocier avec le chauffeur de bus notre trajet du lendemain. Nous partons sereins. Trois jeunes et brillants étudiants de buziness-school-of-management rompus à l’art de la négociation ne feront qu’une bouchée de ce pauvre chauffeur mozambicain. En réalité le bougre nous mate à plate couture et nous payons à peu près trois fois le prix normal.

Y a moyen qu'on rentre meme avec nos sandales


A 4h du mat le lendemain (décidement ces derniers temps on ne dort pas beaucoup) nous quittons Quiterajo avec plaisir direction la ville de Macomia qui nous permet de retrouver des routes à peu près roulables afin d’atteindre Quissanga (mais si mais si souvenez-vous c’est de là qu’on prend le bateau pour les îles paradisiaques). Les bus mozambicains s’appellent des chapas et sont en fait des camions sur lesquels on met tout et n’importe quoi. Nous passons donc le trajet serrés comme des sardines entre des gens, des poules, des bacs de poissons et des vélos. La piste toute défoncée nous fait faire des bonds de kangourou. Presque de quoi nous faire regretter un bonne grève de rer B ça ! Le paysage est superbe et nous éprouvons un certain plaisir à voir défiler les kilomètres sans efforts. Franchement le vélo ça va à deux à l’heure ! A 7h nous voilà à Macomia et il nous faut remonter sur nos bicyclettes direction Quissanga. Le début de la route est asphalté et ça ça donne le sourire. Nous nous prenons à rêver d’un monde intégralement bétonné où nos roues pourraient s’ébattre gaiement pour l’éternité. La piste suivante est elle aussi de bonne qualité et nous permet de parcourir les 90 km menant à Quissanga dans la journée. Enfin nous y voilà ! Cela fait trois jours que nous fantasmons sur cette ville sensée nous emmener vers notre île de rêve. Dans notre auberge nous faisons la connaissance d’Oscar un cyclotouriste espagnol parcourant une bonne partie de l’Afrique à vélo : de Cape Town à Addis Abeba. Nous passons la soirée à parler état des routes, taille de pneu et dérailleur. Bé ouais qu’est-ce que tu veux on devient des pros !

Embarcadere pour l'archipel de Quirimbas



Dès le lever du soleil nous nous pressons vers l’embarcadère pour l’île d’Ibo, perdue dans l’archipel de Quirimbas. A 7h nous sommes au garde à vous devant le bateau pour un départ prévu dans la foulée.  Mais décidément nous apprenons lentement à connaitre l’Afrique. Notre bateau (un équivalent nautique du chapa) ne partira que lorsqu’il sera plein à craquer de poules, chaines hi-fi, ventilateur et autres bricoles. Nous passons donc la journée à atteindre au bord de la mer, accumulant encore sieste sur sieste histoire de combler un certain manque de sommeil.



Traversee pour l'ile d'Ibo



Quelques heures plus tard nous sommes sur les flots, bercés tranquillement par le roulis des vagues et le cocotements des poules. Le capitaine maintient fièrement le cap dans la houle et nous voyons grandir au loin une masse verdoyante. Terre ! Terre ! l’ile d’Ibo se dresse devant nous. Un magnifique tas de terre recouvert de mangroves laissant apercevoir ça et la de belles plages de sable fin et où des arbres barbotent dans la mer tranquillement à marée haute. 


La ville d’Ibo est une petite bourgade toute mignonne à l’architecture héritée de la colonisation portugaise. Ici tout le monde se connait et il ne nous faut pas plus de 5 minutes pour apprendre qu’ici vit Stéphane un français, ancien cuistot, qui tient un lodge et fait de la cuisine bien de chez nous. Nos papilles sont en ébullition et ni une ni deux nous y prévoyons d’y filer pour le diner. Crabe, pomme de terre sauté et ratatouille nous remettent d’aplomb. A Ibo nous renouons également avec la vie touristique. Nous croisons beaucoup de blancs qui nous racontent leur périple mozambicain. La journée suivante ressemble à un vrai dimanche nous trainassons au lit, puis devant la télé de notre guest house (où nous regardons un épisode de Scooby-doo avec toute la famille mozambicaine), puis au bord de la mer pour le coucher de soleil. C’est pas mal de ne rien faire aussi des fois…

BG number one

BG number two


Come et Alex ont bien bronzé


Come braconne dans un parc naturel, peche interdite






3 commentaires:

  1. C'était une lecture éprouvante ! Encore plus stressant que Jarry Potter 7 (Partie 2 bien sur!) !!

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  2. Waoooh ! Un vrai épisode de Man vs Wild Ultimate Survival ! On est fier que vous ayez gardé votre calme et que vous soyez restés "de boue" :) Sur cette journée là, on ne vous a pas trop enviés. Merci les passeurs mozambiquais ! Les P.

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  3. Sérieux, si le portable passait dans les contrées sauvages que vous traversiez, vous auriez reçu un coup de fil du 3615 Le Seum directement. On m'aurait dit qu'ils ont ouvert une ligne spécialement dédiée pour vous ;) Plus sérieusement, chapeaux pour ne pas avoir baissé les bras sur ce coup là ! Hâte de lire la suite de vos aventures ! La bise à vous tous !

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