Saigon-frontière thai : à la conquête d'Angkor Wat et autres merveilles

Les vélos étaient si bien chez nos hôtes Isabelle et Didier à Ho Chi Minh. Adossés délicatement contre le mur d’un garage surveillé par un vietnamien qui parlait même français. Ils menaient une vie princière. Puis ce 23 Avril, sans explication, ils nous ont rappelé.
-          Nous nous sentions seuls ! Disaient-ils.
-          Oui bah nous on était bien content de ne pas vous avoir dans les pattes ces derniers jours ! Leur répondirent Vincent et Côme.
Pourtant l’instinct maternel les a rattrapés, et les deux compères ont dû récupérer leurs bébés, ce 23 Avril à 6 heures du matin, au fond pas si mécontents de reprendre la route, alors qu’Alex terminait son pèlerinage amoureux cochinchinois.
Revenons sur ce nouveau départ.
6 heures donc, nous embrassons chaleureusement nos chers hôtes qui ont mis un soin tout particulier à nous accueillir comme chez nous dans leur repère d’expatriés donnant superbement sur la rivière Saigon. Nous retiendrons une anecdote en particulier à l’heure du dernier diner :
-Les garçons, il reste un fond de gigot si vous avez encore faim. Sur ces mots, Isabelle nous apporte un plat géant recouvert entièrement de merveilleuses tranches de viande tendre à faire douter un végétarien. Un fond de Gigot, disait-elle….



Nous quittons cette capitale encombrée en direction de la frontière cambodgienne qui n’est située qu’à 80 km de Saigon. La circulation est encore une fois d’une densité impressionnante, nous slalomons entre toute sortes de véhicules non identifiés de type troupeaudemoutonsàmoteur, épicerieàessence, cyclochampdemanioc, bref, vous pouvez imaginer que nous ne savons pas bien ou donner de la tête. D’autant que nous avons le sentiment d’être encore à Saigon lorsque nous atteignons la frontière, comme si les premiers cambodgiens étaient en fait des banlieusards d’Ho Chi Minh. Ce n’est en réalité qu’une impression trompeuse. Le Sud Viet Nam est certes très peuplé mais la densité au bord de la route a une véritable explication. En effet à la campagne au Vietnam on s’arrache le moindre terrain bordant les routes principales pour y établir un café, un salon de coiffure, un garage, un petit restaurant ou une épicerie et ainsi convaincre le voyageur de s’arrêter en affichant en grand des tarifs bien souvent mensongers. De l’autre coté de ces séries de constructions interminables c’est bien sûr la campagne et les vertes rizières qui alimentent le monde entier. (le Vietnam est le premier exportateur de riz au monde !).

Et oui en Asie du Sud Est on boit du thé!


Nous arrivons ainsi à hauteur de la frontière, un poil abasourdis par les klaxons incessants et les dégagements de pots d’échappement. Nous faisons tamponner nos visas  rapidement et partons enfin nous reposer autour d’un généreux plat de riz et porc grillé. Les vrais diront le contraire, mais la gastronomie cambodgienne n’est pas bien différente de celle que nous avons connue au Vietnam. Un bol de soupe de nouilles richement parfumé, une portion de riz et bien souvent quelques fines tranches de porc fumé pour à peine 2 dollars. Oui au Cambodge on fait ses affaires en dollars, et lorsqu’il faut compléter la note avec quelques centimes on complète avec des Riels ( 1 Euro=5000 riels). Ainsi il ne circule pas de centimes de dollar et aucune grosse coupure en Riels.. Complexe, direz vous ! Un peu oui. Enfin, on s’y fait. (on s’y fait surtout bien arnaquer ! J )



Nous remercions notre aubergiste d’un « Aw kon tom tom » bien placé (Merci beaucoup en Khmer), puis terminons cette première étape à 100 km de Saigon dans le petit village de Chi Fu, au Cambodge donc. En guise de toit nous trouvons pour 2 dollars chacun une chambre clean dans une petite guest house ravie de nous accueillir. L’Asie du Sud Est, c’est en effet l’occasion pour nous de ranger la tente et de gagner en confort tout en restant dans notre budget. En effet il est souvent impossible de dormir chez l’habitant à cause de la barrière de la langue ou des régimes communistes qui l’interdissent et on ne vous cachera pas qu’après une journée sous 47 degrés nous rêvons d’une douche et d’un lit à peu près correct. De vraies poules de luxe !
un des multiples mariages croisés sur la route

Ah bah c'est bon on est plus bien loin!

Nous nous réveillons à 5 heures le lendemain pour démarrer le plus tôt possible et profiter des températures clémentes de l’aube. L’ébullition de la ville a laissé place au calme d’une campagne cambodgienne bien plus reposante. C’est finalement ce que nous recherchons lorsque l’on voyage à vélo : le silence, la nature, les grands espaces et les horizons lointains. Nous sommes donc bien servi par ce Cambodge qui dès les premiers kilomètres nous déploie le tapis rouge. Nous traversons des dizaines de petits hameaux occupés par des familles entassées dans ces superbes maisons de bois sur pilotis que l’on imagine assez facilement les pieds dans l’eau à l’arrivée des grandes pluies de mousson. A notre passage, des dizaines de gamins tous plus mignons les uns que les autres sortent de nulle part pour nous adresser un « Hellooooo » qui ne tarde pas à nous attendrir. On s’organise alors pour répondre à chacune de leurs sollicitations sans faire de jaloux . Jamais nous n’avions dit bonjour à autant de monde en si peu de temps ! Si cette échappée est un tour du monde des sourires, c’est sans aucun doute ici qu’elle atteint son paroxysme. 
Tout est réuni pour nous offrir de merveilleuses étapes. Tout ou presque. Il fait dès 8 heures du matin une chaleur étouffante. Nous remplissons des seaux de sueur en permanence et sommes obligés de boire des quantités stratosphériques de flotte. Ces températures nous épuisent. Nous arrivons le soir de cette deuxieme étape à Neak Long et c’est à peine si nos paupières attendent 20 heures pour se fermer jusqu’au lendemain. Nous vous parlions du confort de ces petites Guest Houses. N’allez évidemment pas imaginer un Sofitel. Ce soir là par exemple Côme connait la joie immense de s’enfoncer une énorme punaise entièrement sous le pied.. Et pas n’imprte quelle punaise, pas celle qui traine au fond du vase fourre-tout de vos entrées. Non non ! une punaise cambodgienne !  Et cette dernière auberge s’est vite révélée être un joyeux bordel qui n’était pas sans nous rappeler quelques nuits mozambicaines. Par chance cette fois-ci les murs étaient épais, nous n’avons pas entendu le concert. 
Nous prenons peu à peu le rythme des journées cambodgiennes, d’un réveil à l’aube et de longues pauses à l’heure où l’Asie tout entière se planque sous un chapeau pointu pour y trouver de l’ombre. Durant ces longues heures nous avalons quelques grilles de mots croisés en se disant que la retraite n’est jamais loin, tentons d’établir des contacts avec nos voisins de sieste par des gestes, des sourires et les quelques mots de Khmer qu’ils nous font répéter en ricanant, et bien entendu profitons de longues siestes dans les hamacs mis à disposition dans la plupart des petites échoppes dans lesquelles nous nous arrêtons.
Un poulet sur un porte gourde, en toute logique

En trois jours nous arrivons déjà à Phnom Penh. Noémie, une amie de l’ESCP nous réserve un accueil une fois de plus assez magistral. En stage dans une petite start up d’événementiel, Noémie coule des jours heureux dans cette capitale attachante, cet empire des tuk tuk où l’on vit heureux dans sa sueur. C’est un jour particulier pour notre Nono car c’est aussi son anniversaire et c’est d’abord dans les locaux de sa boite que nous sommes invités à trinquer avec la patronne pour célébrer ce joyeux événement. La patronne en question est coiffée, habillée d’une robe du plus grand chic, elle nous reçoit dès notre arrivés alors que nous arborons encore notre centimètre de crasse, nos yeux fatigués et notre barbe d’aventurier. Mais elle n’y prête aucune attention et c’est dans la bonne humeur que nous levons notre verre de vin blanc (eh oui on sait vivre à Phnom Penh) à la santé de notre chère hôte. Nous passons ensuite deux jours à arpenter la ville et à écumer les bars de la rue 51 dans une fête d’anniversaire qui ne semble pas s’arrêter. Puis Alex nous rejoint enfin et nous le trainons dans une visite de la prison S21 qui nous glace les entrailles. Nous revenons ainsi 40 ans en arrière. En 1975, une frange communiste extrémiste surnommée Khmer Rouge par l’ancien président Sianhouk prend le pouvoir par la force à un gouvernement libéral proaméricain. Au même moment l’US Army se retire du Vietnam et un gouvernement communiste pacifique s’installe dans le pays. Le Cambodge aurait pu connaitre la même histoire si un certain Pol Pot, dictateur sanguinaire inspiré d’une interprétation du marxisme erronée, n’avait pas pris le pouvoir. Le pays connait alors 4 ans d’une autocratie répressive qui fera des milliers de morts et qui réduira au rang d’esclaves des centaines de cambodgiens dans de gigantesques camps de travail. La prison S21, en plein cœur de la capitale, aux yeux et aux oreilles de tout le monde, concentra durant ces 4 années l’extrême barbarie du régime. Au moindre soupçon d’opposition au régime, on torturait, on  incarcérait, on  interrogeait et évidement on exécutait en ces lieux dans les pires conditions. Seuls 7 personnes ont pu en sortir indemnes et témoigner de l’inhumanité de cette ancienne école transformée en boucherie.

Et voila notre Nono nationale


Sur ces impressions morbides, nous quittons au matin du lundi 28 Avril notre chère Nono et cette capitale qui restera un beau souvenir. C’est sur une piste sèche et poussiéreuse que nous entamons notre remontée du pays en direction des temples d’Angkor. Au sortir de Phnom Penh, la route est encombrée par les camions qui à chaque passage nous envoient un nuage éblouissant et suffocant d’une poussière orange qui vient se coller à nos membres trempés de sueur. L’après-midi est heureusement plus calme et la route retrouve un revêtement asphalté pour notre plus grand plaisir. Nous pouvons à nouveau profiter d’une campagne souriante et d’un vert éclatant jusqu’à notre arrivée après 100 km dans un petit village au nom imprononçable. Nous atterissons dans une auberge bien miteuse (nous sommes devenus champions pour les repérer celles-ci !) mais somme toute d’un confort bien suffisant pour y rester une nuit. Nous nous endormons bien vite quand Alex nous fait une proposition innocente à première vue mais qui aura des conséquences désastreuses.
-          Les gars ça vous dérange si je laisse la porte ouverte pour faire courant d’air ?
En effet rien d’affolant, nous acceptons sans broncher. Nous ne tardons pas à nous rendormir quand vers 23 heures un orage puissant éclate et une pluie bruyante vient s’abattre sur le toit de tôle de l’auberge. Encore une fois rien d’affolant, nous fermons à nouveau l’œil. Alex se réveille 15 minutes plus tard en poussant des gémissements incompréhensibles. Nous entendons un bourdonnement qui s’intensifie et des bruits d’insectes sur les murs. C’est en allumant la lumière que nous constatons l’ampleur du désastre. Une nuée gigantesque de plusieurs centaines d’insectes volants de la taille de papillons s’est introduit dans la chambre, fuyant sans doute l’orage. Ça vole dans tous les sens, ils se prennent dans nos vêtements, nos cheveux, s’explosent contre les murs tant leur nombre leur fait perdre tout contrôle. Bientôt nous avons le sentiment d’être au milieu d’une ruche en ébullition. Nous sortons en  trombe de cette chambre maudite et décidons du génocide de ces pauvres bêtes en fermant la porte. A l’extérieur c’est le même spectacle auquel viennent se joindre de gigantesques lézards sortis du jurassique qui s’adonnent à un festin digne des fins d’albums d’Astérix et Obélix. Nous sommes sous le choc et implorons la pitié de notre aubergiste afin qu’il nous ouvre une autre chambre. Cette fois ci nous la gardons bien fermée. Lui a le sourire aux lèvres et s’amuse surtout de nos mines effrayées. Quelle angoisse !
-          Welcome  to Cambodia my friends !

ce sera plus clair dans notre prochaine vidéo


coucou toi!

Nous repartons le lendemain heureux d’être sortis entiers de ce zoo. Un petit gecko a tout de même décidé de rester accroché au t-Shirt de son nouveau copain Côme. Réveillé encore une fois à 5 heures du matin nous nous lançons à nouveau dans une étape de 115 km jusqu’au village de Stoung où nous trouvons une auberge au même prix que la veille mais nettement plus recommandable. Sur la route une voiture nous dépasse puis ralentit et vient à notre niveau. Il s’agit a priori d’une famille de touristes chinois décidés à nous aider. Voyant nos bouteilles d’eau presque vide et la sueur qui coule sur nos fronts, ils nous tendent à chacun une boisson fraiche. Et forcément comme à chaque fois dans ce voyage, l’un de nous a plus de chance que les autres. Vincent se voit offrir une canette de Pepsi frais quand Alex et Côme héritent d’une petite bouteille d’eau ! Sous la pression de ses adversaire et dans un élan de grand sportif, notre chanceux du jour offre aux deux pleureuses quelques gorgées de son cadeau. Nous bénissons ces chinois et les remercions d’un grand sourire.

Mud Day!


Partis de Stoung, nous apprenons qu’il s’agissait d’un haut lieu de dégustation de tarentules grillées qui, à la saison des pluies, quittent leur repère et sont légion dans les forêts environnantes. Au terme de 95 km avalés d’une traite dans la matinée nous arrivons enfin à Siem Reap, point de départ pour les visites des célèbrissimes temples de la cité d’Angkor. Nous décidons de prendre 2 jours de repos. Le premier pour récupérer de notre gros manque de sommeil, découvrir la ville et se renseigner grâce à internet sur l’histoire de cette cité évanouie depuis le 15ème siècle. Il règne de grands mystères autour de cette cité que les scientifiques tentent toujours d’élucider. Nous décidons d’aller nous faire notre propre impression et partons le lendemain au lever du soleil, direction Angkor Wat, en vélo bien sûr !

la piste après la pluie, un beau matin

Hellooooo



Nous arrivons sur les lieux à l’heure de pointe. Le soleil est à peine levé et une horde de touristes de toutes nationalités ont planté depuis quelques minutes leur trépied sur lequel ils ont installé un appareil photo réflex dernier cri. On ne visite Angkor qu’une seule fois, il ne faut pas rater ses clichés. Nous contemplons en même temps que tout le monde l’incroyable beauté de ce temple que je n’ai pas besoin de vous décrire tant ses images ont fait le tour du monde. En revanche je peux tenter de vous peindre la sensation que l’on ressent en visitant ces temples, car oui Angkor ce n’est pas qu’un temple mais une cité en ruine qui compte encore les restes de quelques 260 temples. Et si Angkor Wat apparait dans nos livres d’histoire il n’est pas forcément le plus impressionnant. Nous nous dirigeons ensuite vers le temple d’Angkor Tom, puis Preah Khan et enfin Ta Prhom que les racines d’immenses arbres tropicaux engloutissent un peu plus chaque année. En se promenant dans ces temples plongés dans une épaisse jungle on se prend vite pour un Indiana Jones à la recherche de l’arche perdu. En écartant une lianne pour se frayer un chemin entre les rochers on tombe sur une nouvelle statue de Bouddha que l’on pourrait croire encore méconnue des archéologues, une stelle encore inviolée par les pillards du temps des explorations d’André Malraux, puis remettons vite les pieds sur terre en découvrant que ce même caillou est en train d’être photographié par un groupe de touristes tout aussi émerveillés. Zut ! encore raté ! 

Angkor Wat en contre jour, malheureusement

Bayon

un pote pas bien bavard


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En arpentant les routes qui relient les différents temples, on croise un ou deux éléphants domestiques, un groupe de singes occupés à voler des fleurs de lotus à des vendeurs ambulants, on tente de se faire une image de cette cité qui était il y a près de 1000 ans la capitale de l’empire Khmer, une ville d’opulence d’un million d’habitants, chiffre considérable pour l’époque. Une si prodigieuse concentration de richesses et de population a pu être attribuée au génie des ingénieurs Khmer qui y avaient construit un impressionnant réseau d’irrigation permettant d’avoir de l’eau toute l’année et ainsi maintenir un rythme de cultures très élevé. Mais comment alors une telle prouesse qu’est la cité d’Angkor a pu disparaitre à la fin du 15 ème siècle sans laisser aucun indice aux générations qui l’ont suivi ? C’est la question que se posent aujourd’hui des scientifiques du monde entier. Finalement peut-être seuls les bonzes qui déambulent mystérieusement entre les temples en ruines en toge orange détiennent-ils les secrets d’Angkor.. Affaire à suivre. 


les voila les fameux bonzes

Sur le tournage de Tomb Raider!


Le samedi 30 avril sonne notre dernière journée au Cambodge, dans ce pays aujourd’hui bien paisible qui nous a impressionnés par sa verdure et sa jeunesse. Quelques questions restent encore en suspens. Pourquoi toutes ces rizières abandonnées ou du moins désertes sur les bords des routes ? Les vietnamiens, railleurs, nous ont proposé une piste de réflexion. Selon eux : « Les vietnamiens cultivent le riz, les cambodgiens le regardent pousser et les laotiens….l’écoutent pousser. »
Restons en retrait de ces débats houleux et contemplons surtout cette dernière étape de 130 km jusqu’à Anlong Veng qui nous offre des paysages à couper le souffle. Notre route croise les premiers reliefs, traverse de minuscules villages aux maisons colorées et des parcs naturels qui sont encore le repère des derniers tigres du Cambodge. Nous ne croiserons évidemment pas les félins mais ne manquerons pas de faire des écarts pour éviter des serpents morts sur les bords de route. Décidément au Cambodge, la vie sauvage est omniprésente.

Cette longue étape terminée, nous filons nous coucher et rêvons déjà de l’autre coté de la frontière, à quelques 20 km de notre lit.


Rendez-vous en Thailande !


un exemple de cycloépicerie

Anakin Skywalker et ses potes en pleine course de module




1 commentaire:

  1. N'oubliez pas que les puces d'Asie sont réputées pour leurs pattes poilues!
    Tonton Pierre

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